Instants de Beyrouth (2)

Publié le par Vivien

Le Liban compte 1,4 millions de voitures, de la vieille Renault 12 à la Lamborghini dernier cri, cela reflète un peu en quoi ce pays est extrême et inégal. Par contre, avoir l’une ou l’autre de ces voitures ne permet pas d’échapper aux embouteillages permanents qui font de Beyrouth une ville parfois invivable et polluée. L’égalité est rétablie de ce point de vue là au moins.





Les transports en communs sont quasi-inexistants. Le plan des bus date de 2005, on m’a dit qu’il n’avait pas changé… Sur le terrain, je me suis rendu compte qu’il fallait mieux demander directement au chauffeur où allait son bus plutôt que de se fier à ce plan qui m'a emmené n'importe où. Seule une compagnie de bus publique assure quelques lignes. Des bus privés complètent ces lignes pour le même prix, sont généralement plus confortables mais vont plus lentement pour pouvoir se remplir plus vite. Ah, j’ai oublié de dire qu’il n’y avait pas non plus d’arrêts : il suffit de faire signe au conducteur pour qu’il s’arrête, monter dedans alors qu’il recommence à accélérer et descendre alors qu’il ne s’est pas complètement arrêté.

Parfois, quand il ne reste plus beaucoup de monde dans le bus, le chauffeur demande où les derniers passagers veulent aller. Si ça ne l’arrange pas car c’est trop loin, qu’il y a trop d’embouteillages, il n’est pas rare qu’il demande de descendre, mais dans ce cas-là on ne paye rien et en plus on s’est rapproché de sa destination. D’autres comportements sont à prévoir : détours pour déposer des connaissances du chauffeur, arrêt en plein milieu de la route pour acheter des cigarettes ou à manger… ce qui crée à chaque fois un embouteillage derrière et un concert de klaxon.

Le meilleur reste quand même la radio dans les bus. Des tubes arabes d’aujourd’hui comme d’hier pour la plupart, mais aussi Nostalgie-Liban qui est spécialisée dans les chansons de Joe Dassin, Michel Bergé, Jacques Brel, Claude François... Entendre « A toi », « Magnolia for ever », « les Mots bleus » en plein milieu d’un embouteillage rend tout de suite la situation plus supportable. Voir même complètement surréaliste.

Des minibus assurent aussi pour le même prix que les bus certaines « lignes ». Il s’agit essentiellement de minibus japonais avec une petite dizaine de place à l’intérieur. Les chauffeurs ont pour habitude de dire en rigolant qu’ils préfèrent rembourrer les sièges plutôt que de changer les suspensions… mais je serai bien tenté de les croire parfois. Pour faciliter les montées et descentes des passagers, ils roulent toujours porte-ouverte (comme les bus d’ailleurs).

Enfin, mon mode de transport préféré reste le taxis-services. C’est une forme de taxis collectifs où pour un prix raisonnable on peut traverser Beyrouth. Un nombre incroyable de taxis sillonnent Beyrouth 24h/24. Pour la plupart, ce sont des vieilles Mercedes des années 70, des Renault 12 ou plus récemment des Logan. Dans le cas des Mercedes, le tableau de bord fonctionne rarement, ou alors le compteur kilométrique a généralement fait un ou deux tours… Ces taxis font partie de l’histoire de Beyrouth : pendant la guerre civile, les chauffeurs étaient les seuls à continuer les liaisons entre parties de la ville et à assurer l’approvisionnement des populations. Le chauffeur affiche généralement sa religion en dessous du rétroviseur ou sur le tableau de bord : portrait de Saint-Maron, Allah Wakbar (dieu est grand) écrit en arabe, une bible ou un coran dans la boîte à gants. La musique varie elle selon l’âge du chauffeur ou sa communauté, comme pour les chauffeurs de bus.

Pour trouver un taxi-service, il suffit de se positionner sur le bord d’une rue passante et faire ce qu’on pourrait considérer comme du racolage passif. Une fois qu’un taxi arrive, il va klaxonner, et si l’on continue à le regarder, il s’arrêtera et ouvrira sa fenêtre. Il faut ensuite énoncer clairement sa destination, avec la bonne prononciation. Soit le chauffeur accepte d’un léger coup de tête vers la gauche car il n’a personne dans sa voiture ou que les gens qu’il a déjà pris vont au même endroit, soit il refuse et lève les yeux au ciel en penchant sa tête en arrière (la manière de dire « non » ici). Ou troisième cas de figure, il demande des précisions sur la destination, et commence à négocier un tarif un plus élevé si c’est loin.
Il existe une tarification variable : un service vaut 2000 livres libanaises (90 centimes d’euro), deux services valent 4000 livres (si c’est loin ou qu’il est tard). Enfin, si on mal prononcé la destination, le chauffeur demande si on veut un « taxi », c’est à dire la même chose pour 10 000 livres. Quand je dois aller à l’autre bout de Beyrouth, il n’est pas rare de devoir essayer de crier ma destination à la fenêtre d'une dizaine de taxis avant d’en trouver un qui accepte de m’y emmener pour le prix d’un service. Il existe une petite corrélation entre l’état du taxi et la probabilité que le chauffeur accepte de faire le trajet pour un prix bas mais ça se vérifie pas toujours.

Bref, mieux vaut arrêter les Renault 12 ou les vieilles Mercedes que les taxis un peu plus récents. Les chauffeurs ne parlent pas forcément anglais ou français, c’est alors l’occasion de baragouiner les quelques phrases que l’on connaît.
Traverser Beyrouth dans une voiture pourrie en écoutant de la vieille musique arabe (Fayrouz, Oum Kalsoum…), Joe Dassin ou encore les derniers chanteurs à la mode du Moyen-Orient est un de ces instants magiques et uniques qui mettent tout de suite de bonne humeur…
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A
<br /> A toi ! Enorme Joe Dassin ! :D<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Si tu veux on ira le chanter (comprendre: le massacrer) dans un des nombreux bars-karaoké de Beyrouth!<br /> <br /> <br />